Raymond POIRIER
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Raymond POIRIER, est né à ALLOUE, le 17 février 1927 dans la maison familiale de la VIEILLE RUE. Il y passe son enfance avec ses parents, Georges POIRIER et Anna (née MARCHADIER) ainsi que son frère Jean et sa sœur Marie-Claire.
Raymond POIRIER nous conte ici, ses remarques sur le passé de son enfance et d’adolescence à "ALLOUE", là, où il a toujours plaisir à se ressourcer chaque année, au cours de séjours occasionnels et de visites à sa famille et ses amis ; délaissant quelques temps l'Ile de Beauté (où il vit aujourd’hui), pour son village natal.
Remarques sur ce passé
Je m'efforce par ces lignes de faire revivre, dans le passé d'ALLOUE ce qui a existé un moment pour disparaître au moins en partie ou se modifier assez nettement. Mon objectif est de faire connaître notre ALLOUE d'avant-guerre approximativement.
Parodiant "AZNAVOUR" << je vous parle d'un temps que les moins de 75 ans ne peuvent pas connaître>>.
Mes propres impressions n'importent nullement. Ce qui doit émerger c'est toute information aussi vraie que possible. Démarche risquée, mes souvenirs étant confus et incomplets. J'apporte donc mon témoignage, guidé par ma seule mémoire, le plus honnêtement possible.
Adolf Hitler :Fondateur de l'idéologie du nazisme. |
Quelle image de notre localité puis-je restituer ? Sans doute une vue globale très partielle et personnelle, peut-être cocasse, ou alors fade et disparate. Cette tranche du passé, c'est un époque (en gros, les années 30 et le début de la guerre) où, me semble-t-il, nous étions dans une certaine mesure plus insouciants qu'aujourd'hui : la paix régnait (autour de nous en France, mais pas en Espagne) la précédente guerre ("14-48") étant censée devoir être la dernière. Mais tout au fond se mit à sourdre une discrète inquiétude, chez les adultes, parce qu'on sentait monter et se préciser la possibilité d'un nouveau conflit : encore imparfaitement comme se profilait la stature douteuse d'un certain Adolf HITLER.
Reflet de cette époque, les chansons populaires qui prétendaient flatter nos oreilles, sur les phonos et quelques radios, étaient, par exemple :
- "La chansons des blés d'or", "Ma Normandie", "Le temps des cerises", J'ai deux grands boeufs", "Le Chaland qui passe", "Parlez-moi d'amour" etc.
Aussi dans le genre plus léger :
- "Les gars de la marine", "Bercé par la houle", "Nuits de Chine", "Sur un marché Persan",
et surtout bon nombre de morceaux tels que :
"Prosper, yop ! la ! boum !", Le Lycée Papillon", "C'est-y toi qu'on appelle Emilienne", "Embrasse moi, Joséphine, embrasse moi", "Y a l'feu chez Adèle", "Les beaux pyjamas, c'est pour mon papa", "Mon coeur est en chômage", "Sur le plancher des vaches", "Si tous les cocus avaient des clochettes", et les premiers TINO ROSSI.
La liste serait assez longue et, soit dit en passant, les textes de ces dernières cités ne volaient pas plus haut que ceux de certains "tubes" contemporains, n'en déplaise à quelques nostalgiques esprits chagrins et passéistes.
Ce temps-là était une autre époque. Nous pouvons avoir l'impression (fausse) que tout était normal : hivers froids, printemps toujours lumineux, été chauds, automnes doux. Nous gambadions parmi les prés herbeux et les haies fleuries, ignorant presque ce qu'étaient le fil de fer barbelé (et encore plus électrifié). Dans les "palisses" et sous-bois odorants, les oiseaux nous offraient les nids que nous découvrions, émus, révélant leurs oeufs délicats, mouchetés de jaunâtre, beige rosé, turquoise.
Dans les prairies, ruisseaux et mares, nous capturions, fraîches et vives, grenouilles et rainettes. L'humble jardin familial offrait, en saison, en plus des légumes, pommes, poires, noix, noisettes, nèfles, coings, prunes, cerises, pêches, brugnons, raisins, fraises, framboises, cassis, groseilles rouges, jaunes et maquereau, que l'on n'avait qu'à cueillir et qu'on dégustait sur place, sans avoir à les laver ! - La route ne vibrait pas sous le passage de monstrueux poids-lourds. Les gerbes s'alignaient dans les champs, confectionnées à la main et non pas fabriquées, rigides et carrées par des engins mécaniques. Le facteur arrivait à pied chez vous, sans bruit de moteur ou de portière, sans précipitation, et on le guettait pour le voir apparaître et approcher de son pas rythmé, depuis le bout de la rue.
Un facteur d'ALLOUE, non identifié à ce jour |
Les petites boutiques n'avaient pas d'horaires très stricts. On croisait couramment chiens ou chats dans la rue. On rencontrait quelqu'un dehors à n'importe quelle heure (qui n'était pas en véhicule motorisé ni vissé devant la télé). On se baignait dans de jolis petits coins de notre fraîche CHARENTE. Les jeunes respectaient les anciens etc. Cela parait idyllique !
La pompe à eau de la Route d'Epenède |
Et les engelures persistantes en hiver ! Et les supplices du bleu de méthylène pour la gorge, des ventouses pour la bronchite et l'infâme huile de foie de morue !
Oui, nous avouons que tout était pas rose, mais nous avions la chance d'être jeunes ...
Raymond POIRIER
Décembre 2015
à suivre ...
Remerciements à Dominique RAPION
Photos et documents : collection YM
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La distribution de l'huile de foie de morue dans une école. |