Publication du 20 février 2014
"L'OUILLETTE"
C'était au début du printemps et au sortir d'un d'hiver assez rude à ALLOUE, il m'était impossible de relancer la pompe de mon puits, coupée pendant cette période hivernale. J'interroge l'un de mes amis charentais de la commune voisine de PLEUVILLE qui me répond sans attendre : << Olé pas bun méchant, y met mou bots et y'arrive >>. Ce qui fut dit, fut fait, une vingtaine de minutes après j'entends une voix qui m'interpelle du bas de l'escalier : << vé qui ? ...o la persoune ? ... vé qui ? - oui monte , je suis en haut >>. Arrivé sur le palier, celui-ci ne manqua pas de sentir l'odeur qui émane de la cuisine << qui que fait, drôlesse ? ou senti bon ! ... des mojhettes piates ? >> dit-il en s'adressant à ma compagne, qui a de bonnes bases de patois << oui, tu as un bon na, Robert, ... avec d'la couenne - doumage que yé mangea le miget, y'en auri bun mangea une p'tite goulée >> dit Robert, j'interroge : <<comment vas-tu Robert ? la forme ? - tou chap'ti, yé mô à mon échine mais ou s'remétro bun tout seul à l'endret - as-tu été à la chasse ces temps-ci ? >> dit Annette << asteure y n'avi même pas tua une cagouille >> et ronchonnant un peu : << y se pas qui pour bader d'la goule, on vé pas y passa la neut >> dit-il en sortant dans le jardin pour rejoindre le puits. J'avoue que j'étais jusqu'à maintenant un peu déstabilisé par cette conversation, qui pour moi, Parisien, était du charabia, que je percevais qu'un peu, grâce au concours d'Annette. j'étais maintenant livré à moi-même avec mon Robert, qui était déjà dans la cavité où est installée la pompe. Il commence à bricoler pour trouver l'éventuelle panne, quand d'un seul coup, redressant la tête dans ma direction il me dit : << as-tu une ouillette ? - que veux-tu ? - doune meu une ouillette >> les choses se compliquent, j'ose une nouvelle tentative, << une mouillette ? - eco qu'tas soummeil ? ... une ouillette ! - attends, je reviens ... mais je ne suis pas sûr d'en avoir une ! - coument qu'tu peux pas avouere coqui ? >> Je trouve une sortie honorable, en laissant croire à mon interlocuteur que je comprends sa demande. Je pense trouver la solution avec Annette et récupérer ensuite l'instrument de travail dans ma boîte à outils. Fier de ma stratégie , à moitié du chemin, je me retourne, et demande à Robert d'une voix forte << en dehors de la touillette, as-tu besoin d'autre chose ? >> dans un ronronnement il me répond << boune gen ! ... une ouillette ! une grande ouillette ! >>. Les choses se compliquent, voilà qu'il y en a des grandes et des petites !, je rentre dans la cuisine et interroge Annette << je ne comprends pas ce qu'il me demande, une touillette ! une mouillette ! ou une bouillette! , je ne comprends rien ! >> et Annette me répond : << ah!, une ouillette ! >> sans plus attendre, elle ouvre le tiroir, et me tend un entonnoir. Je la regarde, les yeux hagards , comme un revenant du concert de Jimi Hendrix à Woodstock.
Je m'exclame : << mais c'est un entonnoir ! - oui, une ouillette >>, me répond Annette. Sans plus rien dire et sans grande conviction, je regagne le puits avec mon entonnoir à la main, avec la ferme intention d'arriver fièrement et dire à Robert : << voilà ton ouillette , en fait j'en avais bien une ! >> mais à peine arrivé à la hauteur du puits, Robert me dit avec un petit sourire au bord des lèvres : << tu en as bien mis du temps, avec ton entonnoir ! >> et de rajouter : << tou chap'ti tu seras bun d'cheu nous >> et moi de lui répondre fièrement une phrase que je connaissais par coeur, que m'avait appris Raymond POIRIER, un autre ami Charentais : << qui vé tou chap'ti vé loin >> nous étions ainsi quitte.
Mon intégration était en marche !
à suivre ...
Mon intégration était en marche !
à suivre ...
L'OUILLETTE |
- Olé pas bun méchant, y met mou bots et y'arrive - C'est pas bien méchant, je mets mes chaussures et j'arrive.
- vé qui ? ...o la persoune ? ... vé qui ? - tu es là ?... il y a quelqu'un ? ... tu es là ?
- qui que fait, drôlesse ? ou senti bon !... des mojhettes piates ? - Que fais-tu fille ? ça sent bon ! des haricots
- oui, tu as un bon na, Robert - oui, tu as un bon nez
- doumage que yé mangea le miget, y'en auri bun mangea une p'tite goulée - dommage que j'ai mangé le miget, j'en aurais bien mangé un peu.
- tou chap'ti, yé mô à mon échine mais ou s'remétro bun tout seul à l'endret - tout doucement, j'ai mal à mon dos mais ça se remettra tout seul à l'endroit.
- asteure y n'avi même pas tua une cagouille - à aujourd'hui je n'ai même pas tué un escargot.
- y se pas qui pour bader d'la goule, on vé pas y passa la neut - je ne suis pas ici pour rien faire, on ne va pas y passer la nuit.
- as-tu une ouillette ? - as-tu un entonnoir ?
- doune meu une ouillette - Donne moi un entonnoir
- eco qu'ta soummeil ? ... une ouillette - est-ce que tu dors ? ... un entonnoir
- coument qu'tu peux pas avouere coqui ? - Comment peux-tu ne pas avoir ça.
- boune gen ! ... une ouillette ! une grande ouillette ! - Bonne Gens ! ... un entonnoir ! un grand entonnoir.
- tou chap'ti tu sera bun d'cheu nous - tout doucement tu deviendras de chez nous.
- qui vé tou chap'ti vé loin - qui va doucement va loin.
Le MIGET : http://alloueblogspotcom.blogspot.fr/2014/02/le-miget_20.html
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire