Les ponnes de Benest
(2ème partie)
(2ème partie)
Le linge essangé était soigneusement rangé dans la ponne. Au fond, un sac à farine en toile de chanvre contenait un "boisseau" (¼ d'hectolitre) ou un demi-boisseau de cendres de foyer criblées et choisies en évitant certaines essences comme le noyer qui avaient la fâcheuse réputation de tacher le linge.
L'échafaudage du linge dépassait souvent de 50 à 60 centimètres et davantage la hauteur de la ponne. Comme sous le linge il y avait dessus un autre sac de cendre. La cendre apportait la potasse naturelle pour blanchir le linge ; on se défiait encore des cristaux de soude qu' on trouvait à bon marché dans le commerce.
Pendant une première phase, de beaucoup la plus longue, l'eau chauffée dans la chaudière était versée au sommet du linge à l'aide du "pot de bujade", récipient en fer blanc ou en cuivre contenant environ deux litres.
Pendant toute cette première phase la "trute" restait ouverte, cela durait plusieurs heures, l'eau qui refroidissait en imprégnant peu à peu le linge se réchauffait de nouveau dans la chaudière, circulait ainsi longuement et devenait "le lessi".
Dans la dernière phase, on arrêtait "de verser", la trute restant ouverte la chaudière se remplissait, on fermait la trute, on attendait que le lessi entre en ébullition. On versait alors, trute fermée, le lessi bouillant sur le linge. Le rebord de la ponne, incliné vers l'intérieur, qu'on appelait "l'orle", empêchait le liquide de tomber.
Lorsqu'on commençait à apercevoir le lessi sur l'orle, la ponne étant pleine, on arrêtait de verser. On laissait le liquide bouillant imprégner le linge pendant une dizaine de minutes, on ouvrait alors la trute et on remplissait la chaudière. On refermait et quand le liquide bouillait de nouveau, on recommençait l'opération. Ainsi de suite une douzaine de fois, une douzaine de "chauffes". Cela s'appelait "couler" la lessive.
Il serait trop long d'ajouter la longue liste des superstitions qui avec la cendre, le grand feu de bois et le lessi faisaient le linge blanc.
Après la dernière chauffe, on ouvrait définitivement la trute, le linge s'égouttait et refroidissait ; le lendemain matin, on recueillait précieusement pour des lavages ultérieurs le lessi qu'on ne laissait pas séjourner très longtemps dans la chaudière de crainte de la rouille et on "défaisait" le linge livré aussitôt à trois ou quatre laveuses qui allaient le savonner et le rincer au lavoir de la fontaine.
De pittoresques longues files de draps blancs habillaient alors les haies pour le séchage.
A la fontaine, les langues, comme il se devait, allaient leur train, même pas interrompues par la volée des "battedours" sur les "selles". On apprenait des choses, vraies ou fausses "en lavant la bujade" d'une telle ! Chronique archicomplète , assez rarement bienveillante, qui rendait absolument superflue toute chronique locale de presse.
La lessive comportait du renfort de laveuses, voisines bénévoles et journalières (10 ou 12 sous par jour), c'était un gros travail suivi comme il se devait d'une modeste petite fête de famille.
On avait maintenant du linge "blanc de lessive" pour l'année.
Les ponnes de Benest, instruments obligés de la bujade, répandues dans tout le Poitou et bien au-delà, ont été l'objet d'une importante industrie traditionnelle sans changements notables au cours des siècles. On retrouve sur des vases antiques les ornements des ponnes du siècle dernier.
L'argile se trouvait en abondance dans la bande tertiaire du sol de Benest. Le mot savant argile était à peu près inconnu à Benest, on disait "de la terre", quelquefois la "terre liche" ou simplement la "liche". Les fabricants extrayaient eux-mêmes cette argile qu'il fallait ensuite "battre".
Fernand PINGANNAUD
1969
à suivre ...
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Les ponnes de BENEST 1ére partie :
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Les ponnes de BENEST 1ére partie :
Les ponnes de BENEST 4ème partie :
Source : Etudes Charentaises N° 12 Mai et Juin 1969 (collection privée)
Photos : YM
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