Le Confolentais - Voyage en France volume 15 |
VOYAGE EN FRANCE
SEPTEMBRE 1898
La vallée, jusqu'à Champagne-Mouton, où elle se creuse, est agreste et tranquille. Ce dernier bourg est un chef-lieu de canton endormi loin de toutes les voies ferrées et cependant entouré de villages assez prospères. L'un d'eux, BENEST, est situé aux limites mêmes de la Vienne ; la région est d'ailleurs poitevine et non angoumoisine ; elle eut une importance assez grande, car des voies antiques la traversaient. Au-dessus du village, on rencontre de rares débris d'une ancienne ville appelée Sansac par les gens du pays. Dans l'église, vieil édifice des premiers âges romans, défigurée au XIVe ou XVe siècle par l'adjonction d'une chapelle ogivale, une pierre à peine lisible rappelle que François Ier, passant à BENEST en 1517, confirma les privilèges de cette paroisse.Ces privilèges eux-mêmes remontent à une date fort éloignée : ils auraient été donnés par Charlemagne.
Au-dessous de BENEST passe la Charente, non plus le fleuve transparent et clair de Mansle et d'Angoulême, mais une humble riviérette, coulant dans une étroite vallée et décrivant de brusques méandres par les prés d'un vert tendre.
Dans les collines de calcaire dur qui la bordent, de belles carrières ont été creusées. La pierre, à grain fin, renferme de très belles géodes de cristaux colorés en rose et en violet qui pourraient être l'objet d'une fructueuse industrie, si on les montait en vide-poches.
Dans ce calcaire est creusée la grotte des fades, c'est-à-dire des fées, simple anfractuosité peu profonde, à laquelle doivent se rattacher d'antiques légendes. Peut-être les fades primitives, ainsi restées dans la mémoire des gens du pays, sont-elles tout simplement des druidesses ; elles auraient occupé une de ces demeures dont les légendes celtiques nous ont conservé le souvenir. La thèse peut d'autant mieux se soutenir, que BENEST est certainement d'une haute antiquité, la ville galloromaine a dû succéder à quelque établissement celtique.
De ce passé, BENEST a gardé, à travers les âges, une industrie assez curieuse, celle de ces vastes « ponnes » ou cuves en terre noire , dans lesquelles les Charentaises font leur lessive. Pour tous ceux que les produits des industries locales intéressent, même quand il s'agit de choses aussi vulgaires, il est difficile de ne pas remarquer l'originalité et la simplicité des dessins modelés en relief autour des ponnes. Ils ont un caractère archaïque et artistique dont on ne peut manquer d'être frappé. Ce goût et cette science étonnent.
J'ai eu jadis le mot de l'énigme par l'instituteur, M. Martial Besson. Il a trouvé, dans des cendres paraissant remonter au delà du Xe siècle, des débris de poteries ressemblant exactement aux ponnes ornementées que l'on fabrique encore aujourd'hui. Or, comme ces ornements appartiennent certainement à l'époque gallo-romaine, on conclut que les potiers de BENEST ont conservé jusqu'à nos jours les procédés de leurs pères des premiers temps de la civilisation en Charente.
Il y aurait certainement, pour un chercheur, une curieuse étude à faire sur BENEST, ses franchises, ses légendes, son industrie et ce passé confus. Les récits parvenus jusqu'à nous veulent qu'une grande bataille ait été livrée en ce lieu contre les Sarrasins. Peut-être Charles-Martel y poursuivit-il les Maures fugitifs pour leur infliger un dernier échec. Près de là, un hameau, SainteTerre, porte un nom indiquant une sépulture sacrée. On y trouve du reste des tombes antiques assez nombreuses.
Voyage en France d'Ardouin-Dumazet : collection privée
Photos : YM
CPA : collection privée
Les "ponnes" de BENEST :
Voyage en France - ALLOUE :
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