Publication du 5 juin 2014
« … blessent mon coeur d'une langueur monotone »
La BBC,
diffuse sur ses Ondes, dès le 1er juin 1944, des messages personnels masqués, de
mobilisation générale en vue d’un débarquement imminent. Pour l’ensemble des
maquis et réseaux de France, c’est l’appel aux armes et le déclenchement d’une
lutte de soutien et d’appui maximum aux forces Alliées, une guérilla sans merci
pour tous les combattants de l’ombre, pour la Liberté et chasser l’occupant du
territoire de France.
Le rôle de
la Résistance est d’apporter un soutien massif aux troupes du débarquement par
des actions de sabotage, et toute action permettant le ralentissement par le
harcèlement des troupes allemandes, pour rejoindre la Normandie.
L’action de la Résistance est un atout considérable pour le général Eisenhower, commandant des forces Alliées. Les maquis en embuscades permanentes ont stoppés l’avancée de ces troupes d’élite allemandes en marche pour la Normandie ; détruisant leurs réserves d'essence, les rails de chemin de fer et de nombreux tunnels.
Grâce au
sacrifice et à la ténacité de la Résistance, les divisions SS, comme, " Das Reich ", forte de ses 20.000 hommes, remontant du sud de la
France pour rejoindre la Normandie, pendant 17 jours fut harcelée et en partie
disséminée. Cette division SS n'a jamais été capable de rejoindre ses
objectifs à temps et a été entièrement anéantie en Normandie.
"Das Reich" est la sinistre division SS responsable du massacre d'Oradour-sur-Glane. C'était une division d'élite qui avait combattu un peu partout en Europe, et qui s'était particulièrement distinguée sur le front russe, dans le bassin de Donetz. On peut imaginer ce que ces troupes auraient pu infliger de pertes aux soldats alliés en Normandie.
La
Résistance française a largement participé et contribué à la Bataille de
Normandie et à la libération de la France. Il y a de nombreux exemples
d'actions à porter au crédit des Forces Françaises de l'Intérieur.
En Charente,
la Résistance, comme dans toute la France, n’est pas restée à l’écart de ces
actions et entre 1939 et 1945 a payé un lourd tribut pour la Libération de notre
pays du "joug Nazi". En ce jour du 70ème anniversaire du débarquement,
il n’est pas inutile de rendre hommage à tous ces Charentais qui au péril de
leur vie, ont sauvé la Patrie et à tous ces Charentais qui lui ont donné leur
vie.
LA RESISTANCE EN
CHARENTE
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Mémorial de Chasseneuil |
Le voyageur qui se promène en notre douce Charente sera sans
doute séduit par les pierres patinées de nos vieilles églises romanes, par les
ruelles tortueuses de nos petites villes, par les gracieuses gentilhommières se
dissimulant ça et là aux creux de nos frais vallons, mais il découvrira avec
une intense émotion, la grande croix de Lorraine du Mémorial de Chasseneuil ,
symbole de la Résistance Charentaise.
Au lendemain de la Libération, le colonel André Chabanne, fidèle à l’esprit de la résistance, décida d’élever à Chasseneuil un monument
destiné à perpétuer le souvenir des combattants volontaires tombés <<
pour la Liberté et la Grandeur de la Patrie>>.
De très loin, sur la route d’Angoulême à Limoges, on
aperçoit cette puissance verticale blanche et magistrale, dressée vers le ciel
à travers la fine lumière charentaise. Le V, symbole de la victoire, soutient
la croix de Lorraine, véritable flambeau de pierre jailli d’une nécropole
abritant les restes des héros de la lutte clandestine. Ce <<haut
lieu>> de la Résistance, entouré d’un cimetière national, rappellera à
travers les âges, la pureté des sentiments de ces volontaires qui combattaient
pour défendre la Liberté contre l’asservissement de la personne humaine. D’un
poids de 2000 tonnes, le Mémorial s’élève à 50 mètres au-dessus de la route de
Chasseneuil à Saint-Mary. Un escalier monumental gravit la butte sacrée pour
atteindre la porte en fer forgé donnant accès à la crypte. Quatre-vingts mètres
carrés de bas reliefs retracent l’épopée de la Résistance, le martyr des
fusillés et des déportés, la souffrance des prisonniers de guerre, le sacrifice
des combattants. Les sculptures réalisées par MM. Guiraud, premier grand prix
de Rome, médaille d’or du Salon, Lamourdedieu, professeur à l’école des Beaux
Arts de Paris, et Peyronnet, médaille d’or du Salon, font revivre l’âpreté de
la lutte clandestine et l’ardeur de ces jeunes combattants. Au sommet de la
croix de Lorraine, une magnifique allégorie symbolise la France se libérant de
ses chaînes et s’élançant, d’un envol léger, vers la Liberté.
La réalisation de ce monument est due à la ténacité d’André
Chabanne et à l’aide que lui apportèrent certaines personnalités. MM. Edouard
et Guy Pascaud firent dont du terrain, M. Félix Gaillard, ancien président du
Conseil, intervint à l’Assemblée Nationale et permit l’achèvement des travaux ; enfin M. Poncelet réalisa
la partie architecturale.
Le Mémorial de Chasseneuil fut inauguré le 21 octobre 1951
par le Président de la République, Vincent Auriol, qui rendit hommage en ces
termes à la Résistance Charentaise : << Ah ! ils sont bien dignes
des héroïsmes de 1914-18, des héroïsmes
de toute notre histoire, ces hommes, fiers et libres qui, avant même
d’entrevoir le temps de la victoire, ont sauvé l’honneur et l’âme de la France.
Le 12 juin 1963, le général de Gaulle, Président de la
République, s’inclinait devant le mémorial, apportant l’hommage du premier
résistant de France, celui qui lança de Londres le serment du 18 juin
1940 : <<Quoi qu’il arrive, la flamme de la Résistance française ne
doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas. >>
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Gontran Labregère |
Monument du souvenir, le Mémorial nous rappelle les
sacrifices consentis. Sacrifice de Gontran Labregère, ce jeune étudiant de
dix-huit ans, fusillé par les Allemands à Bassau le 12 octobre 1941, et de son
compagnon Jean Jacques Rivière condamné à la déportation pour avoir tenté
d’incendier un dépôt allemand en gare d’Angoulême. << J’ai cru que
c’était mon devoir. Je n’ai qu’un regret, celui d’avoir fait de la peine à ma
maman>>, dira Gontran Labregère avant de mourir. Sacrifice des frères
Chabasse, tombés tous deux au champ d’honneur après un lute héroïque. Sacrifice
des fusillés de la Braconne. Sacrifice de tous les maquisards tués en combattant.
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Jacques Rivière |
Que de sacrifices !
738 prisonniers de
guerre moururent en Allemagne
249 Charentais furent
fusillés
722 Résistants furent
déportés
345 périrent dans les
camps de la mort
70 déportés
S .T.O. ne revinrent pas
Près de 7000
Charentais furent sinistrés
310 F.F.I tombèrent
pour défendre la Patrie.
<< Des geôles ou des maquis, un constant enseignement
de sacrifice et de dévouement ne cesse de monter jusqu’à nous, et c’est parce
que nous restons fidèles à ces enseignements d’un passé si proche que nous
saurions oublier la magnifique leçon que la Résistance nous a donnée>>
nous rappelle M. Georges Bourgin, directeur honoraire des Archives de France.
A aucun moment de l’Histoire de France on ne vit un aussi
grand nombre de patriotes se porter volontairement au secours de la Patrie.
Jamais hommes ne combattirent pour une cause plus juste ni contre un ennemi
plus puissant. Jamais hommes ne furent ainsi forcés, pour défendre leur pays,
de prendre figure de réfractaires à la loi et d’aller chercher refuge dans des
maquis.
La section spéciale de sabotage de Jacques Nancy, les maquis
AS 18 Bir’Hacheim d’André Chabanne, AS 15 Foch de Gary, FTPF de Bernard
Lelay-Bricourt, maquis AS de Charles Bernard, Camille Allyre-Corbin, les maquis
de Ruffec, de Luxe, de Brigueuil, de Richemont, de Châteauneuf, d’Ecuras, de la
région de Barbezieux, accueillirent en 1943 et 1944 plusieurs milliers de
volontaires charentais. La commission interalliée Jedburg ( team Ian ) du
capitaine français Yves Delorme, du commandant U .S. J. Gildée et du radio
canadien Bourgouin ( tué à Pleuville ), parachutée pendant la nuit du 20 au 21
juin 1944, établit son PC au sein du maquis Bir’Hacheim et contrôla les
parachutages d’armes et une partie de l’activité des maquis. En quelques mois,
de 1943 à la libération d’Angoulême, les maquisards effectuèrent plus de 100
sabotages. Deux cent trains furent immobilisés, des centaines de voitures et de
camions ennemis furent détruits, 120 attaques de convois semèrent la panique
dans les troupes allemandes qui remontaient vers le front de Normandie. On n’a
pas pu fixer exactement le nombre d’Allemands tués en Charente, le nombre de
véhicules détruits ni les heures de retard subies par les divisions allemandes
dans leur traversée de la Charente, mais on peut dire avec certitude que les
F.F.I. charentais ont été présents aux côtés des Alliés dans la lutte commune.
<< C’est parce qu’elle fut une réaction spontanée,
populaire, parce qu’elle tira constamment du corps de la nation sa substance et
sa force, que la Résistance a pu survivre à la répression, entraîner l’adhésion
du peuple français, et faire participer la France à la Victoire >>, nous
dit Henri Michel dans son ouvrage Histoire
de la Résistance.
Dans la crypte du Mémorial est inhumé le colonel Bonnier,
délégué militaire régional du général de Gaulle. A ses côtés, celui qui
symbolise la Résistance charentaise, le colonel André Chabanne, chef de l’armée
secrète en Charente, repose, face à son cher village des Jaulières, face à ces
coteaux boisés, couverts de châtaigniers, de chênes et de buis amers, qui
virent naître et grandir son maquis.
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Colonel André Chabanne |
Le vent du soir qui souffle sur les collines nous rappelle
encore le message venu de Londres il y a de cela vingt ans, annonçant au maquis
un des premiers parachutages d’armes :
<< Demain sur
nos tombeaux,
Les blés seront plus
beaux. >>
Roger BEILLARD
1964
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Le Confolentais décembre 1994 |
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Plaque commémorative de Notre Dame d'Alloue |
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Monument aux Morts d'Alloue |
Photos : Musée de la Résistance - Raymond - YM
Sources : La Revue Géographique et Industrielle de France - Images de Charente - Internet - Le Confolentais